LA DATE A CHANGÉ ! C'est bien le samedi soir, et non (initialement) le dimanche après-midi. Volonté des titulaires: le dimanche, il y avait trop de monde et de touristes. Ce sera donc, pour 2013 tout au moins, les samedis à 20h. Durée totale: 45 minutes.
Je trouve que c'est une bonne décision.
PROGRAMME:
Jehan ALAIN : 1ère Fantaisie (1932)
Jean LEGOUPIL (né en 1945, organiste titulaire de la cathédrale du Havre) :
- Monodie de timbres
- En forme de Passacaille
des Six Musiques en Forme (1978)
Olivier MESSIAEN :
Les Corps Glorieux :
- Force et agilité des Corps Glorieux (n°5)
- Joie et Clarté des Corps Glorieux (n°6)
Laurent CARLE :
Récit (pièce de 2006, extraite des Caprices en trompe l’œil)
Jehan ALAIN :
- Fantasmagorie (1935)
- Litanies (1937)
VOIR AUSSI: http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr
ou, plus précisément: http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article8
Le commentaire de Jean-Pierre Baston:
Quelques mots ont été empruntés à l’ouvrage suivant : Guide de la musique d’orgue, Gilles Cantagrel (sous la direction de), ed. Fayard, septembre 1991. L’aticle sur Jehan Alain (pp.11 à 19) est de Georges Guillard.
Au cours de cette audition, vont vous être présentées des pièces du 20ème, et même du 21ème siècle.
Le programme s’ouvre et se clôt avec un compositeur essentiel, familier des organistes bien qu’il ait écrit, non seulement pour l’orgue, mais aussi pour bien d’autres instruments et formations. Il s’agit de Jehan Alain.
Une idée directrice donne sa cohérence, nous l’espérons, à ce programme : c’est la notion de mélodie, et la place qu’elle peut prendre parfois, depuis la monodie (une seule note à la fois, sans aucun accompagnement, comme pourrait faire par exemple une flûte seule), jusqu’à la mélodie accompagnée, nous pourrions dire : « classiquement ». Avec tous les intermédiaires. Comme par exemple, la doublure horizontale en polytonalité (une même mélodie, jouée par exemple à deux mains, chacune dans une tonalité différente. Ou même la « mondie de timbres », nous y reviendrons.
Pourquoi un tel programme à l’orgue de Notre-Dame de Paris ? Car, s’il est un instrument d’une puissance unique, il propose aussi une palette de sonorités, individuellement cette fois, très riche.
Le point de départ de ma réflexion est la 4ème pièce que nous entendrons, d’Olivier Messiaen, vaste monodie, écriture bien étonnante à l’orgue, l’instrument de la polyphonie et de l’harmonie.
1. Fantaisie de Jehan Alain :
Nous commençons avec la 1ère Fantaisie de Jehan Alain. Il est difficile de trouver les mots pour décrire le souffle et la force qui animent cette œuvre composée en 1932. La réponse est probablement dans les citations :
Jehan Alain note, en exergue de cette pièce, cette citation de Omar Khayyam :
« Alors au Ciel lui-même je criai pour demander comment la destinée peut nous guider à travers les ténèbres. Et le Ciel dit : « Suis ton aveugle instinct ».
Pour une de ses pièces de piano cette fois, intitulée « Choral », Jehan Alain dit : « Je veux la terre carrée. Je veux déchirer ce bleu du ciel. Je veux voir derrière, je veux que mes tempes se rompent sous des monstruosités déraisonnables… Seigneur, donne-moi la paix éternelle ».
Cette paix, dans toute sa musique, Jehan Alain semble toujours la chercher.
2. Jean LEGOUPIL (né en 1945, organiste titulaire de la cathédrale du Havre) :
- Monodie de timbres
- En forme de Passacaille
des Six Musiques en Forme
Les deux pièces qui suivent sont extraites d’un cycle appelé : « Six Musiques en forme », du compositeur et organiste Jean Legoupil. Jean Legoupil est l’actuel titulaire de l’orgue de la cathédrale du Havre, figure marquante de cette ville. Il est également chef du chœur havrais André Caplet.
Ce cycle de pièces est une œuvre de jeunesse, au sortir des études de composition. Œuvre d’expérimentation, donc. Le titre, « musique en forme », est une contraction de : « en forme de… », nous dit l’auteur. Sorte de clin d’œil, distance affichée néanmoins avec une certaine notion de forme.
La première pièce est une monodie. Donc une mélodie sans aucun accompagnement ; une note à la fois. Monodie oui, mais monodie « de timbres ». Comme si la mélodie se répartissait entre plusieurs instruments, chacun jouant un groupe de notes, le tout en fondu - enchaîné.
Puis suit une Passacaille : un thème, joué au pédalier, se répète quasi-inlassablement. Ce qui le transforme, c’est son accompagnement, très varié, aux mains.
Nous écoutons ces deux pièces, enchaînées.
3. Olivier MESSIAEN :
Les Corps Glorieux :
- Force et agilité des corps glorieux (n°5)
- Joie et Clarté des corps glorieux (n°6)
A présent, nous abordons deux pièces extraites du cycle d’Olivier Messiaen, Les Corps Glorieux, Sept visions brèves de la vie des Ressuscités, recueil composé en 1939.
Tout d’abord, Force et agilité des corps glorieux : « véhéments et solides, agiles et forts : tels sont les ressuscités », nous dit Messiaen. Pur récit monodique aux deux mains, à l’exception de la conclusion. Le rythme est ici essentiel comme élément d’énergie.
La pièce suivante s’intitule : Joie et Clarté des corps glorieux. C’est une page éblouissante de lumière, illuminée de couleurs, dans une veine rythmique irrésistible. Sur des accords à la rythmique très « jazz » se développe une mélodie d’une totale liberté.
4. Laurent CARLE :
Récit (pièce de 2006, extraite des Caprices en trompe l’œil)
Notre propos me conduit à jouer une pièce théoriquement pensée pour deux ou trois jeux tout au plus. Une quasi - monodie se développe sur un jeu caractérisé, soliste. Ce pourrait être un cromorne. Petit à petit, presque note contre note, cette monodie est habillée, en trompe l’œil. Et en toute discrétion.
En toute logique, cette pièce, intitulée « Récit », est extraite du recueil : Caprices en trompe l’œil, de Laurent Carle. Ce compositeur, organiste de talent, mais aussi pianiste de jazz et professeur d’écriture musicale au Conservatoire de Tarbes, a un propos pertinent, original et sensible.
5. Jehan ALAIN :
- Fantasmagorie (1935)
- Litanies (1937)
Nous revenons à présent vers Jehan Alain, avec deux pièces qui se tiennent, la première, Fantasmagorie, étant probablement à l’origine de la seconde, Litanies.
Fantasmagorie, pièce de 1935, a vraisemblablement eu pour titre initial : Supplications.
C’est une espèce de ronde à danser, en polytonalité et polyrythmie : les deux mains jouent parallèlement la même mélodie, mais pas sur les mêmes notes. Le pédalier ponctue, mais dans un autre cycle rythmique, généralement plus court que celui des mains.
Etrange résultat, qui pourrait faire penser au gamelan, cet orchestre si étonnant de Bali.
La dernière pièce de cette audition, très connue, a pour titre : « Litanies ». C’est une danse, une ronde entêtante, ouragan qui souffle au bord de l’abîme.
Laissons Jehan Alain nous expliquer l’œuvre : « Quand l’âme chrétienne ne trouve plus de mots nouveaux dans la détresse pour implorer la miséricorde de Dieu, elle répète sana arrêt la même invocation avec une foi véhémente. La raison atteint ses limites. Seule la Foi poursuit son ascension ».
A Bernard Gavoty, le compositeur disait : « il faut en mettre plein les oreilles des hommes… et du Bon Dieu ! (…). Tiens-toi à la limite de la vitesse et de la clarté ».
Comme nous le disions : « au bord de l’abîme » ?
UN RETOUR APRÈS CONCERT:
J'ai reçu une très belle lettre de Jean Legoupil, en retour car je lui avais adressé le live de l'audition de Notre-Dame.
Il est très touchant et enthousiasmé, ce qui est pour moi une joie.
"Je suis très admiratif de votre sens de l'interprétation qui atteint maintenant une maturité sage". Il dit faire confiance à l'interprète qui ajoute son regard à l'oeuvre, "Et à ce niveau-là, vous êtes un véritable créateur dont la technique et la musicalité transcendent l'oeuvre".
Mais aussi: "J'ai apprécié l'ouragan dominé dont vous avez su animer la 1ère Fantaisie de Alain".
Plus loin, il me parle de la pièce de Laurent Carle, Récit. Aussi, je viens d'envoyer ce mail à Laurent:
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"Cher Laurent,
J'ai envoyé à Jean Legoupil le live de mon audition de Notre-Dame de Paris. (Il faudra que j'en fasse autant pour toi. Car ta pièce sonne admirablement sur cet orgue enfin dépoussiéré et d'une étonnante clarté).
Aujourd'hui, au courrier, je reçois une très belle lettre de lui, qui est pour toi confrère compositeur et aîné (Né en 1945 si je ne me trompe pas). Il est très touchant et enthousiaste. Je me contenterai de te rapporter ce qu'il m'écrit concernant "Récit":
"J'aime beaucoup (et c'est très sincère) la musique, et ce que vous en faîtes, de Laurent Carle: voilà quelqu'un qui a des choses à dire… Je trouve une certaine communauté de pensée entre lui et moi".
Pour la "communauté de pensée", je pense tout comme lui, et ne crois pas au hasard. Si, dans le même concert, j'ai réuni Legoupil et une de tes pièces, c'est parce que je ressens cela.
Dans l'avenir, j'ai envie de réunir en un même concert des oeuvres de Jean Legoupil, toi, Gabriel Marghieri; et probablement Valéry Aubertin".
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